Le cahier de texte
Je n'ai jamais rempli le cahier de texte jusqu'à l'an dernier. Nos inspecteurs s'en accommodent fort bien, n'exigeant que nos notes personnelles ou jetant un oeil dans un cahier d'élève. Je sais que je ne suis pas la seule: lorsque je m'ennuie dans la salle des profs, mais pas suffisamment pour aller lire les affiches des syndicats, je feuillette les cahiers de texte empilés dans un coin et je constate amusée que seuls les profs se faisant inspecter les remplissent. Sauf ceux qui les planquent dans leur casier le jour fatidique. Faut dire qu'aucun élève n'a jamais demandé à les consulter. Il faut dire aussi que le papier est immonde, les lignes trop grosses et que tracer des traits avec des stylos bille qui fuient, ça rend l'ensemble très beûûark.
Mais depuis l'an dernier, il y a le cahier de texte é-lec-tro-nique. Ça, c'est trop bien. Je crois que je suis la seule à le remplir, les rares collègues remplissant cette obligation continuent en effet de compléter celui en papier. Sur l'ordinateur, c'est propre, net, régulier. Clair. Parce que là, je prends vraiment le temps de réfléchir à ce que je vais écrire. Je repense mon cours, je saisis le fil directeur de mon esprit embrouillé.
Lorsque je le compare avec mon cahier de texte personnel (celui que j'emporte en classe pour me remémorer vite fait ce que j'avais donné comme exo la dernière fois), je me rends compte à quel point il n'est qu'un brouillon, un prototype. Mon cahier électronique est vachement mieux. D'ailleurs, je viens juste de l'imprimer. En regardant les pages défiler, j'ai revécu l'année: les devoirs non faits, les cours non appris, les cours que j'ai foirés, ceux que j'ai réussis, ceux qu'il faudrait améliorer...
Et il y a des élèves qui le consultent (très peu). La preuve, c'est qu'il y en a toujours un, deux jours avant un contrôle régulièrement annoncé depuis une semaine, qui s'exclame soudainement en plein cours: "Et puis c'est quoi ce contrôle que j'ai vu sur viescolaire.net?"
Et là, je fais la tête de la prof exaspérée (mais contente au fond de soi).